Créer des illustrations narratives avec une palette de couleurs limitée

Créer des illustrations narratives avec une palette de couleurs limitée

L'artiste Julio Robledo partage ses connaissances sur l’harmonie et les jeux de couleurs. Limiter le choix des couleurs dans vos œuvres vous permet de contrôler l'impression que vous laissez à ceux qui les voient.

 

Imaginez un instant que nous sommes tous des maîtres artistes et concentrez-vous sur ce qui est vraiment important dans un dessin : raconter une histoire, faire passer un message, créer une illustration qui ne nécessite aucune explication, définir une situation ou un personnage, et faire passer une humeur à travers les couleurs.

 

Aujourd’hui, nous allons apprendre à limiter astucieusement les couleurs que nous utilisons dans nos illustrations. Cela nous aidera à ajouter de la cohérence au dessin. Après tout, comme on dit, moins c’est plus.

 

 

1. Qu’est-ce qu’une palette de couleurs ?

Essentiellement, un jeu de couleurs correspond à toutes les couleurs utilisées dans l’illustration.

Le nom « palette de couleurs » fait référence à l’outil du peintre – la palette – où le peintre conserve et mélange ses couleurs à utiliser sur la toile. Il fait donc également référence aux mélanges des couleurs de base que le peintre met sur sa palette. Bien sûr, le peintre ne pourrait peindre qu’avec des couleurs directement sorties du tube, s’il le voulait, ce qui serait sa propre palette de couleurs.

Pour que vous n’ayez pas à vous fier à un générateur de jeu de couleurs automatique, examinons un peu plus la théorie des couleurs et les palettes de couleurs.

 

2. Le disque chromatique

 

Le disque chromatique, également connu sous le nom de roue chromatique, sert de guide pour créer des combinaisons de couleurs.

 

Vous pouvez y trouver les couleurs primaires (rouge, bleu et jaune) placées à égale distance les unes des autres. En mélangeant ces couleurs, nous obtenons les couleurs secondaires (orange, vert et violet).

 

Il est important de comprendre que les couleurs complémentaires sont directement opposées, à l’autre bout du cercle.

 

Le rouge est complémentaire du vert.

Le bleu est complémentaire du orange.

Et le jaune est complémentaire du violet.

 

Comme nous le verrons plus tard, vous pouvez créer de bons jeux de couleurs en utilisant des couleurs complémentaires.

 

Note : Ci-dessus, un exemple de disque chromatique traditionnel. Les applications d’art numérique peuvent avoir des disques chromatiques basés sur les couleurs CMJN (cyan, magenta et jaune) et/ou RVB (rouge, vert et bleu) comme couleurs primaires, qui, bien qu’utiles dans certaines situations, ne peuvent pas remplacer un disque chromatique traditionnel comme le meilleur guide pour construire des jeux de couleurs.

 

Dans CLIP STUDIO PAINT, vous pouvez trouver le disque chromatique sous [Fenêtre] > [Disque chromatique].

 

 

3. Types de palette de couleurs

On peut séparer les palettes par le nombre de couleurs qu’elles contiennent : palettes à deux couleurs, palettes à trois couleurs, palettes à quatre couleurs…

 

Le noir et blanc est un exemple de palette bicolore. Je vous recommande d’inclure le blanc comme l’une des couleurs de votre palette, même s’il s’agit probablement de la couleur de votre calque de papier. Le bleu et le rouge sont une autre palette bicolore.

 

Selon la façon dont vous choisissez votre palette, en utilisant le disque chromatique comme guide, voici quelques exemples de jeux de couleurs que vous pourriez utiliser :

 

3.1. Jeu de couleurs complémentaires

Il est créé en combinant des couleurs des côtés opposés du disque (jaune/violet ; vert/rouge ; orange/bleu) ou des couleurs proches des opposés.

Les plus basiques se composent de seulement deux couleurs.

 

 

Dans cet exemple, la palette utilise le turquoise et le vermillon (complémentaires), plus le noir. Pour obtenir la couleur noire, j’ai superposé les deux couleurs complémentaires. Consultez ce tutoriel pour en savoir plus !

 

3.2. Jeux de couleurs froides/chaudes

Une des alternatives aux couleurs complémentaires consiste à opposer des couleurs froides à des couleurs chaudes. Le disque chromatique peut être divisé en deux parties : chaude et froide.

 

 

3.3. Jeu de couleurs triadique ou tétradique

Pour créer un jeu de couleurs triadiques, choisissez trois couleurs équidistantes sur le disque chromatique.

 

 

Dans une palette de couleurs tétradiques, vous aurez envie de choisir quatre couleurs, donc deux paires de couleurs complémentaires.

 

 

3.4. Jeu de couleurs analogues

Choisissez des couleurs adjacentes dans la palette de 12 couleurs.

 

 

3.5. Jeu monochromatique

Choisissez une couleur et modifiez la teinte (en la mélangeant avec du gris) ou le ton (en ajoutant du blanc ou du noir).

Une échelle de gris est une palette monochromatique.

 

Vous pouvez également ajouter une couleur supplémentaire au schéma monochrome pour créer un autre type de palette.

 

 

4. Comment choisir votre jeu de couleurs

À ce stade, vous connaissez déjà de nombreux jeux de couleurs différents. Voyons maintenant quelques conseils pour choisir le jeu de couleurs parfait pour votre illustration.

 

  • Choisir une couleur dominante

Choisissez d’abord la couleur dominante de l’illustration. C’est une bonne idée de choisir l’une des couleurs primaires lorsque cela est possible : bleu, jaune et rouge.

 

De nombreux aquarellistes commencent par poser une couleur de base primaire sur leur papier aquarelle avant de commencer à peindre. La couleur de base aide à ajouter un ton uniforme aux différentes couleurs, similaire à l’étalonnage numérique des couleurs utilisé dans les films ou les productions audiovisuelles. Le choix de la couleur détermine l’ambiance de la pièce.

 

Définissez la couleur dominante comme couleur du papier dans [Fichier] > [Nouveau] > [Couleur de papier]. De cette façon, cela sera comme peindre directement sur du papier de couleur.

 

 

  • Choisir votre couleur secondaire

Quelle couleur va contraster avec la couleur dominante ? Quelle couleur la complétera ? Le choix que vous faites ici déterminera la palette de couleurs que vous obtiendrez. Mais il y a autre chose à retenir…

 

  • Équilibrer vos couleurs

Pensez aux différentes luminosités des couleurs pour les équilibrer. La couleur la plus claire jouera le rôle du blanc et la plus sombre jouera le rôle du noir. Si vous avez plusieurs couleurs, pensez en niveaux de gris.

Vous disposez d’un outil utile pour vous aider à équilibrer la luminosité de deux couleurs dans : [Fenêtre] > [Curseur couleurs].

 

 

  • Moins, c’est plus

Travaillez avec le moins de couleurs possible. Ou au moins, commencez avec moins de couleurs. Ne vous laissez pas emporter ! Vous pouvez toujours en ajouter plus tard si vous en avez besoin. Les retirer après coup sera plus difficile.

 

  • Faites confiance à votre instinct

Une autre façon de décrire l’instinct est « les connaissances apprises qui ont déjà été assimilées ». Vous n’avez pas nécessairement besoin de connaître la théorie des couleurs que nous venons d’étudier. Si vous avez aiguisé votre instinct en appréciant les peintures, les bandes dessinées, les illustrations et les animations, vous saurez reconnaître les couleurs et les schémas qui vous ont marqué.

 

  • Copiez une palette que vous aimez

Vous pouvez copier le jeu de couleurs à partir d’une illustration que vous aimez ou de l’une des illustrations de ce tutoriel. Ouvrez l’image et utilisez l’outil [Pipette] pour choisir les couleurs. Ensuite, utilisez-les pour peindre votre propre illustration.

 

5. Études d’illustrations utilisant différentes palettes de couleurs

Dans ce premier exemple, nous avons le jaune, le vert et le rouge (plus le noir et le blanc).

 

Ce jeu utilise principalement des couleurs complémentaires (rouge et vert), mais aussi du jaune en arrière-plan. C’est proche d’être un jeu triadique, mais ce n’est pas strictement le cas. J’ai expliqué certains des jeux de couleurs existants, mais n’hésitez pas à combiner les couleurs du disque chromatique traditionnel comme vous le souhaitez.

 

 

Cette illustration montre le moment où Robin des Bois appelle ses hommes avec une corne. Au second plan, on les voit venir en réponse à son appel. Les arbres indiquent que nous sommes sur leur territoire : la forêt de Sherwood. Enfin, en arrière-plan, il y a le château de Nottingham, demeure du méchant roi Jean, qui a dépossédé Robin de son titre noble et de sa fiancée.

L’aube annonce la bataille finale.

 

Commencez par choisir le jaune comme couleur de papier, qui est notre couleur dominante. Décrivez ensuite en deux couleurs le fond (la forêt et le château), ainsi que les personnages. Le vert équivaut à un gris clair et le rouge prend la place d’un gris foncé. Enfin, ajoutez du noir uniquement pour le personnage central (Robin des Bois), qui est au centre de la composition. L’œil va toujours vers le noir et les zones les plus contrastées, j’ai donc ajouté le blanc du soleil pour faire ressortir encore plus le personnage principal.

 

La deuxième illustration est celle de Jack et le haricot magique. Jack est un pauvre garçon qui plante des haricots magiques, qui l’emmènent dans un royaume dans le ciel, où vivent des géants. Là, il vole l’oie aux œufs d’or.

 

Dans cette composition, je montre Jack s’enfuyant sur le dos de l’oie dorée. L’œuf d’or au centre est essentiel pour raconter l’histoire de cette image. Les nuages suggèrent au spectateur que nous sommes dans un pays haut dans le ciel. En limitant la vue, on peut voir le pays des géants tel que Jack le voit, au ras du sol. De cette façon, le géant partiellement caché semble plus mystérieux et menaçant.

Cette illustration est un exemple de la façon dont trouver une palette qui fonctionne est un processus d’essais et d’erreurs. C’était ma première approche.

 

Utiliser un jeu de couleurs limité signifie répéter certaines couleurs et restreindre celles qui ne sont pas dans la palette, comme le marron des vêtements du personnage chevauchant l’oie.

 

 

Je préfère le personnage de cette deuxième illustration, car il réutilise le vert des nuages.

 

 

Les couleurs aident le spectateur à lire plus facilement chacun des éléments de la pièce. Dans cette illustration, il y a deux problèmes : la couleur de l’oie et la manche du géant ne ressortent pas du fond, et le jaune de l’œuf est un peu criard. Voici le résultat après changement des couleurs :

 

 

Ici, la couleur dominante est le vert et la couleur complémentaire est le rouge. Le jaune de l’œuf contraste avec le violet grisâtre du sol.

 

Toute la palette a des couleurs non saturées, pas du tout nettes. Le violet foncé joue le rôle du noir et le blanc est un peu taché. Certaines combinaisons de couleurs fonctionnent bien ensemble, et je dirais que cette palette est l’une des plus utilisées dans ce genre d’illustrations.

 

 

Dans cette troisième illustration, tirée du célèbre conte d’Hansel et Gretel, nous allons apprendre à choisir une couleur principale (le bleu) et à définir l’ensemble du dessin de manière monochrome (avec les nuances d’une seule couleur).

 

 

Nous pouvons voir le moment où les frères et sœurs trouvent la maison de bonbons dans la forêt. La sorcière les traque depuis l’intérieur de la maison. Les enfants sont tombés dans son piège et, telle une araignée, elle court après sa proie.

 

 

L’ajout d’une deuxième couleur, le vermillon pâle, améliore beaucoup le contraste. J’ai pris ces couleurs directement à partir du jeu de couleurs standard.

 

 

Nous avons le bleu principal et le bleu secondaire, qui contrastent parfaitement, car l’un est froid et l’autre est chaud. Cela nous permet d’esquisser les personnages. Nous avons réussi à donner à chaque personnage la couleur opposée à l’arrière-plan.

 

 

Les couleurs ajoutent à l’atmosphère de la pièce. C’est le crépuscule. La nuit tombe, nous anticipons donc que les enfants sont sur le point de vivre une situation périlleuse. J’ai accentué le contraste entre l’intérieur de la maison et la sorcière afin que les yeux du spectateur soient attirés par cette zone. J’ai également ajouté d’autres couleurs tertiaires pour les bonbons à l’extérieur de la maison, mais nous avons en fait complété l’illustration avec seulement deux tons.

 

 

Dans ce cas, le directeur artistique qui a commandé cette illustration m’a demandé d’ajouter plus de couleur à la maison. Après tout, c’est une maison faite de massepain, de génoise et de beaucoup d’autres sucreries, et c’est une illustration pour enfants. Malgré ma protestation initiale, ajouter plus de couleur était la bonne décision.

 

 

Bien que chromatiquement cette palette ne soit pas si limitée, le fait d’avoir commencé avec seulement quelques couleurs a déterminé les contrastes entre les personnages et le paysage, et nous a aidés à éviter un choc chaotique des couleurs.

 

6. Conclusion

Vous connaissez maintenant la théorie de l’harmonie des couleurs, basée sur le disque chromatique traditionnel. Il sera certainement votre meilleur guide lorsqu’il s’agira de créer des jeux de couleurs.

 

Le principe fondamental est le contraste entre les couleurs, comme dans le jeu de couleurs complémentaires ou triadiques, qui, complétées par des couleurs analogues, s’harmonisent en étant proches les unes des autres sur le disque.

 

Contraste et équilibre.

Changer une couleur implique un changement dans d’autres couleurs.

 

Rappelez-vous l’efficacité de ne choisir que quelques couleurs et de choisir une couleur dominante.

Les couleurs dans l’art sont comme les accords dans la musique : les meilleures chansons sont faites avec seulement quelques accords.

 

À propos de l’artiste

Julio Robledo

Illustrateur indépendant

https://juliorobledo.portfoliobox.net

 

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